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Edito #1 – Un fou prometteur: Analyse du comic boy

Poètes, écrivains, génies. Tout comme ces trois catégories de personnes, le fan de bandes-dessinées américaines (et principalement de super-héros), dites comic books, est un incompris, un être solitaire dans sa passion que très peu partagent. Un cas d’étude plutôt passionnant en soit. Autant donc s’y intéresser.

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Hommage à Stan Lee – J. Scott Campbell

Avant tout, il est important de préciser que ce qui va être dit a été mûrement réfléchi, il aura fallu un recul fou pour arriver à ce genre de propos aussi prétentieux et philosophiques soient-ils. Un recul nécessaire pour mieux comprendre au final.

Les comic books n’ont jamais été à la portée de tout le monde, surtout pas avant l’arrivée du genre au 7e art. Aujourd’hui encore, le lecteur de comics, que l’on va appeler comic boy pour simplifier les choses, se distingue à travers plusieurs critères qui le définissent. La naïveté en premier lieu, car pour croire qu’un  homme puisse voler, il faut une sacrée grande place réservée à notre part d’enfant, et souffrir d’un esprit disjoncté accessoirement. Cette naïveté toutefois reste assez spéciale dans la mesure où l’on est toujours conscient de ce qui se passe dans le monde, tout en choisissant de croire en une utopie relevant du fantasme. Le premier argument en faveur du pragmatisme serait le divertissement, celui en faveur du réalisme, l’évasion. Car après tout, vivre la réalité, faire face au monde réel, le comic boy y a droit chaque jour tout comme n’importe quelle autre personne. Pourquoi alors vouloir être cloîtré dans cette réalité plus longtemps?

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Avengers VS X-Men #9 – Jim Cheung

Le comic boy est un adulte choisissant de garder sa part d’enfant, cette même part lui permet de gérer sa vie plus facilement, de ne pas se prendre la tête, de rester observateur et donner son avis au moment opportun, au risque de sombrer dans la passivité et l’inactivité pour un temps. Le monde dans lequel nous vivons manque cruellement de rêveurs, tout est carré et cédant à l’industrialisation cérébrale. Et même si le progrès et la rigueur sont de mise, l’imaginaire reste le meilleur moyen de combattre la peur du lendemain. Croire en Superman, pour exemple, ne nous apporte rien concrètement, il ne sera pas là lorsque votre avion sera en plein crash ou lorsque votre chat sera coincé sur la branche d’un arbre. Mais les notions, les morales, les thèmes et les enjeux présents dans une œuvre Marvel ou DC poussent le comic boy, qui est assez bête pour s’inspirer d’hommes et de femmes imaginaires portant des collants, à se surpasser dans sa vie, faire de son mieux, être honnête et intègre. Ces histoires nous content l’humilité, le courage, la grandeur, le pouvoir, la vie, la tristesse. Tant de thèmes sur lesquels on oublie de se concentrer dans notre vie de tous les jours, des thèmes essentiels à une vie simple et saine.

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Dernière case d’Amazing Fantasy #15 (1962) – Steve Ditko

Tout comme nos ancêtres avant nous, nous ne sommes que l’image que veulent faire de nous nos pères, et si après l’éducation vient l’inspiration, quelles autres fondations pourraient-on utiliser pour nous construire ? Pourquoi s’orienter vers des thèmes philosophiques et inutilement compliqués quand on peut s’inspirer du meilleur et du plus simple. D’autant plus que dans le monde des comics, le fan a ses repères: des artistes aux personnages, en passant par les légendes vivantes telles que Stan Lee. Ces éléments sont là pour réveiller la force d’agir qui sommeille dans l’âme du comic boy. Ces mêmes repères représentent le point vers lequel il peut revenir au moment où il le souhaite, ils représentent pour lui une famille désossée, une maison habitée par des entités auxquelles il est le seul à croire. Le comic boy se perd rarement et se trouve donc avoir un cocon aussi sécuritaire que destructeur à long terme. Mais il n’a pas besoin de le savoir, il n’a besoin que de cette conviction que ce qu’il fait ne le nuira pas.

Les comics ont bien évidemment leurs parts de défauts: trop enfantins, trop simplistes, trop commerciaux… Mais une fois sur dix, l’on y trouve les meilleures notions de vie et pour la vie. Selon un génie qui en a copié un autre, la conscience finit par troubler l’évolution, l’homme étant devenu trop conscient de lui-même, de ce qui avance ou non, de ce qui est bon ou pas et ce, au point d’oublier l’essentiel. Au contraire de cette idée, certes réaliste mais pessimiste voire funeste, la constance des comics sera toujours un point de retour aux égarés que nous sommes. Et sans vouloir heurter certaines personnes ni entrer dans un débat religieux, les comics se réfèrent à une religion, c’est une source pure avec des idées constantes et claires, des codes qu’on choisit de suivre ou non. Théoriquement du moins, car comme dans n’importe quel domaine, la pratique présente le plus souvent plus de difficultés.

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Civil War – The Confession – Alex Maleev

Tous les comic boys ne partagent peut être pas cette passion de la même façon, certains n’y voient aucune utilité concrète. Mais à un moment, le facteur de l’âge entre en jeu. Aux jeunes années du comic boy, où à ses premières rides, sa vision des choses changera drastiquement, tout comme son interprétation de la vie. Et tout comme on peut assimiler les comics à une religion, la comparaison avec une drogue devient vite plus logique. En effet, s’en défaire est rarement possible, avec le temps, cela devient un mode de vie comme un autre. On s’y habitue. Et c’est à ce moment là que cette constance peut devenir nocive. Aimer le chocolat et en manger toute sa vie sont deux choses différentes, à un moment on finit simplement par en avoir assez, sans pour autant s’arrêter d’en manger… Et cela en admettant qu’il y ait encore de la place.

1338944081obama-comicLe cinéma de son côté, est devenu l’une des industries les plus rentables, et même si les succès cinématographiques ne sont pas une nouveauté, le genre super héroïque attire malgré sa médiocrité périodique. Tout comme les polars dans les années 30, les westerns dans les années 60 ou la science-fiction à partir des années 80, le genre super héroïque est en plein essor et gagne de l’importance d’année en année . Et le comic boy, car se mentir à soi est mal, en est très fier. Les fillettes amoureuses de poupées Barbie n’ont jamais eu droit à ça par (mauvais) exemple. Et c’est par ce point et tant d’autres que l’on se démarque quand on est fan de comics. On a cette fierté universelle que ce que l’on aime est reconnu comme étant une industrie florissante, grande, et prometteuse. Une industrie aimée et influencée par les plus grandes personnalités de notre ère, Barack Obama pour exemple, était même l’invité d’un numéro spécial de Spider-Man dans lequel les deux personnages mondialement connus se rencontrent.

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Casting d’Avengers, Comic Con 2010

La musique, comme le cinéma, même si les deux vont ensemble en ce qui nous intéresse, est la consécration représentative de l’image du super héros au 21e siècle. Elle est à elle seule la parfaite image (piètre choix de mots) des messages que renvoient ces êtres inspirés des Dieux de l’Olympe. Et certains thèmes musicaux sont devenus à leur tour incontournables voire cultes, les artistes ayant travaillés dessus ont même eu leur moment de gloire, grâce à cette mode nouvellement créée. Mais cet élément n’étant pas propre à la culture du comic boy (Plusieurs films peuvent avoir un attrait émotionnel plus fort avec une bonne musique), nul besoin d’en parler plus que ça.

Mais malgré toutes les promesses et l’ambition du monde, les moqueries fusent et l’incompréhension est à son comble. Ces moqueries prennent une ampleur encore plus grande quand le comic boy vieillit et malgré son parti-pris assumé à 100%, il n’aura de cesse de croire qu’il est différent, fou. Et ce n’est pas le même genre de moqueries que certains subissent étant enfant, il s’agit de moqueries fondées et justes. Pour toute personne rationnelle et terre-à-terre, il est inconcevable de ne pas se rendre compte que les comics sont d’une bêtise absolue et une perte de temps. Et il n’est pas toujours évident d’en vouloir à ceux et celles qui pensent ainsi. Le comic boy a vécu les comics toute sa vie. Il lui aura fallu des années pour s’imprégner de leur aura aussi bienfaisante que malveillante, une personne lambda ne pourra donc certainement pas comprendre le comic boy du jour au lendemain, les comic boys on les accepte eux et leurs débilités, dans le cas où on les apprécie toutefois.

Mort de Jason Todd, le second Robin.
Mort de Jason Todd, le second Robin.

Mais contrairement à un geek invétéré, le comic boy reste une personne normale. Il a un travail, une famille, des amis. Il sort et voit des gens. Il ne se suffit pas à lui-même, au contraire les leçons qu’il apprend de ses lectures le renvoient vers la société. Et aussi fantasmagorique que cela puisse paraître, il essaie du mieux qu’il peut d’apporter quelque chose de nouveau dans la vie des autres. Et c’est là une autre spécificité de ce dégénéré, croire qu’il est lui-même un super héros par moments. Mais n’est-ce pas mieux comme ça ? Dans la vie il y a des centaines de catégories de personnes, pourquoi n’y en aurait-il pas de ce genre là ? Du genre à se lever le matin et de n’avoir qu’un but en tête: être utile. Le comic boy fait malheureusement à ce moment précis face à l’inévitable réalité, la vie n’est pas un comics, la cruauté ne se résume pas à un vol à main armée de temps en temps. Le comic boy, quand impliqué dans sa passion de la façon citée, aura toujours du mal à vivre dans une société où il ne sera pas considéré comme un être normal. Le prosaïsme et la réalité prenant le dessus sur tout, la société considère aujourd’hui que les personnes avec un penchant pour l’irréel sont à jeter.

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Liberté, tragédie, poésie.

Un personnage attachant le comic boy, prometteur s’il en avait les moyens, reclus dans son status-quo de geek, ne donnant pas libre court à l’expression des idées qu’il perçoit au fond de récits super héroïques, il n’aura jamais droit à la consécration qu’il mérite. Et même s’il est prétentieux de le penser, ce monsieur et ses amis adorateurs de messieurs bodybuildés habillés en seconde peau, pourrait apporter quelque chose de meilleur, de plus pure, de plus simple à la vie de tous les jours. Si l’opportunité lui en était donnée, d’assembler les meilleurs éléments d’un comics, d’éloigner cette industrie de son côté enfantin, de lui donner une réelle valeur encore plus grande qu’elle n’en a du côté pop culturel, et de dire “Voilà, les bases c’est le plus important, autant donc se concentrer sur le plus important”. D’autant plus que l’homme est quelque chose qui doit être surpassée. Il en est malheureusement loin, son influence ne se limitera qu’à son entourage, ses proches, tout en admettant qu’ils prennent le temps de l’écouter.

La conclusion ne servant qu’à donner le mot de la fin, je vais préciser ici que l’aspect philosophique de cet article est complètement assumé malgré ses aspects surréalistes et visant la perfection. Je ne m’attends pas à ce que la moitié partage l’avis exposé ici, après tout, on ne peut considérer le non considérable. Il serait donc tout à fait légitime de penser que ce qui est dit n’est que fantasmes et rêves, illusions mais surtout de nature fausse. Mais comme dit plus haut, il faut un certain recul et une certaine vision de la vie pour s’adapter à de telles idées… Oui, encore de la prétention.

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Espoir

Comme dit plus haut, le comic boy est un sujet fascinant malgré les apparences qui vont à l’encontre de cette thèse. En faire une analyse complète serait du plus grand intérêt quand on sait ce qui se cache dans son cœur ou son esprit, mais les temps étant ce qu’ils sont, se pencher sur un tel sujet n’est pas encore une priorité, le monde et ses leaders préfèrent se concentrer sur l’évolution au détriment de la constance d’une réussite sûre.

Écrit par vinyculture

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One Comment

  1. L’analyse est intéressante mais tu devrais élargir ta vision.
    Le cas du ” Comic Boy ” est loin d’être isolé. Le monde se divise principalement en deux parties, le réel, le dur, le solide et le palpable en cohabitation avec l’imaginaire, le vagabond, le libre et l’illusoire. L’un et l’autre forment notre perception du monde. Perception qui définit nos bases, il va sans dire que l’influence des comics, des mangas, des séries, des jeux vidéos, des peintures et des musiques est similaire. Ce sont toutes des histoires qui touche ce qu’il y a d’impalpable en nous. Les émotions et les sentiments. Et si notre perception du monde disons ” immatériel ” est affectée par ce qui fait vibrer nos cordes, cela n’a pas d’emprise sur celui ” matériel ” néanmoins l’on voudrait le matériel à l’image de l’immatériel perçu par ces histoires. Il en retourne donc à un certain degré de la philosophie. Désirer ce qui devrait être, ce qui a été enseigné comme bon par ces histoires.
    Dès lors qu’on prend réellement conscience de cela, on se retrouve en état actif dans le monde palpable avec les idéaux jugés justes par la morale.
    Il n’est alors pas faux de penser que chacun suit son chemin vers l’âge adulte, vers la raison, et que la voie du “comic boy” en est une parmi d’autres, sachant que seul le résultat, le fruit mûre avec ses piliers fondés sur la voie qu’il a choisit, seul lui pourra démontrer la viabilité de cette route.

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