Après un Batman v Superman – Dawn of Justice incompris à juste titre, Warner Bros et DC Comics se devaient d’apporter un vent nouveau à leur univers en changeant totalement de direction, mais pas totalement. Suicide Squad s’inscrit dans le DC Extended Universe et essaie tant bien que mal de nous faire suivre une histoire qui, à la base, est des plus simplistes.
Pour commencer, le film de David Ayer se permet des écarts rarement vus dans le genre. Son traitement de sujets trash, voire indécents, nous permet de voir un côté encore plus sombre de l’univers DC. Une facette qui donne certes une identité au film mais qui tranche radicalement avec une campagne promotionnelle vantant trop souvent un long métrage fun, décontracté et décalé. Les nombreuses tentatives de la Warner pour vendre son film sont donc louables, mais légèrement mensongères. Suicide Squad donne en effet la part belle à des personnages radicalement mauvais, sur ce point il n y a rien à redire, mais les mener vers une rédemption peu crédible n’aide pas beaucoup l’immersion du spectateur dans ce que les différents trailers évoquaient.
Mis à part cela, le film met en scène pas moins de onze personnages aussi différents les uns que les autres, différents caractères et personnalités. Et avec cet élément forcément, il devait y avoir des sacrifices pour permettre aux “vraies” têtes d’affiche de réellement briller. Ainsi, des personnages comme Slipknot, Katana, Killer Croc ou Captain Boomerang sont très souvent oubliés et ne servent qu’à donner plus de punch à des scènes d’action pourtant pas toujours trépidantes dans leur construction. La faute à un Will Smith et une Margot Robbie toujours scintillants. Profitant d’un meilleur traitement que tous les autres personnages, Deadshot et Harley Quinn sont donc les réelles stars du film, cette dernière se permet même d’être l’attrait féminin principal en plus de profiter d’une psyché plutôt bien pensée malgré sa folie apparente, qui paraît quelques fois surfaite. El Diablo, de son côté, arrive à tirer son épingle du jeu et ce, à travers des moments forts émotionnellement et radicalement dérangeants par moments.
Parlons du Joker. Jared Leto s’en sort bien et… C’est tout. Les optimistes parleront de peu de présence à l’écran tandis que les plus nihilistes pesteront simplement sur une interprétation manquant de “joie”, due principalement à une interprétation lorgnant plus vers le psychopathe pur et dur qu’un clown farceur. Après Heath Ledger l’anarchiste, on aurait aimé retrouver un Joker plus souriant, à l’image d’un certain Jack Nicholson. Néanmoins, Jared Leto a travaillé son personnage, et ça se ressent à travers ses 10 minutes à l’écran, il est dérangeant et inspire la crainte au spectateur comme aux personnages qu’il côtoie, aussi peu soient-ils. Sa présence dans le film n’est en fait justifiée que par les attentes du public et un certain plot scénaristique en rapport avec Harley Quinn, tombant très vite à l’eau et ne faisant que renforcer cette impression de pétard mouillé vis-à-vis du personnage.
Le reste du casting, notamment Amanda Waller (Viola Davis), Rick Flag (Joel Kinnaman) et L’Enchanteresse (Cara Delevigne) s’en tirent avec les honneurs et profitent chacun d’un développement conséquent, Rick Flag en particulier qui représente le seul personnage plus ou moins normal de la bande. L’ensemble s’avère être la vraie force du film, son corps permettant de non seulement faire vivre l’histoire, mais aussi de donner encore plus de densité à l’ensemble de l’univers. A côté de cela, l’on a en effet affaire à un montage des plus critiquables. Des nombreux flashbacks anti-immersifs en passant par les ellipses temporelles trouvant des justifications douteuses, sans parler d’un montage souvent chaotique… On a vite fait d’avoir mal à la tête à essayer de trouver une logique à un tout pourtant si simpliste.
Suicide Squad se présente en fait comme une très bonne expérience visuelle et émotionnelle, dont chaque partie (casting, décors…) s’avère très travaillée, mais avec trop peu d’articulations aidant à la compréhension. La réalisation très stylisée de David Ayer pourra en rebuter certains, tant les couleurs et les effets visuels se mélangent à une ambiance sombre et glauque à intervalles réguliers. Et même si ce mélange très osé donne une réelle saveur au film, tout comme une playlist pop à souhait qui finit pourtant par être trop présente et effaçant la partition de Steven Price, il n y a que ses personnages qui arrivent à le sauver du naufrage.
Du côté des caméos, Batman est nettement plus présent que prévu. Toutefois les trailers nous auront pratiquement tout montré de lui. Un autre membre de la Justice League fera sauter de joie certains ainsi qu’une scène post-générique signant définitivement l’échec de la Warner à trouver une alternative cohérente pour se démarquer de Marvel Studios. L’univers est d’autant plus approfondi à travers Suicide Squad, qui se présente comme le film le plus assumé des trois sortis à ce jour.
En définitif, Suicide Squad est une nouveauté dans le genre. Son parti pris de présenter des super vilains en tant qu’héros du film est assumé jusqu’au bout (malgré quelques points). Malheureusement, sa trop grande ambition à se démarquer finit par lui causer défaut sans toutefois fausser le développement de ses personnages très bien caractérisés. Loin d’être fragile et maladroit, le film a simplement gâché certains de ses aspects en ayant trop d’ambitions techniques.
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