Se voulant porté sur la féminité, Andalousi’elle est un événement qui mettait en avant des artistes exclusivement féminines. Lors de la soirée du 22 octobre, la représentation s’est tenue à la nouvelle école de musique de Kouba. Ce samedi, c’était à Zahia Benzengli et Sabah El andaloussia, qu’il incombait de représenter cette composante de notre patrimoine qu’est la musique andalouse dans toutes sa variété.
Zahia Benzengli, assistée d’un orchestre exclusivement féminin et sous la direction de Mlle Lilia Kareb, s’est adonnée à un mélange de ghrib et de zidane en première partie. C’est dans le respect le plus total du thème de l’événement que ces jeunes femmes ont animé la soirée. Outre une bonne maitrise instrumentale de la part de l’orchestre, la voix de l’interprète était douce et mélodieuse, l’ensemble créant une élégante harmonie, représentant le patrimoine de notre pays dans sa plus grande beauté.
En seconde partie, se produisait Sabah el Andaloussia, avec cette fois un orchestre certes plus expérimenté mais moins féminin. Toutefois, l’artiste menait d’une voix très puissante l’ensemble de ses musiciens sur des tons de hawzi.
C’est une louable initiative que de mettre en avant nos artistes féminines, une initiative à renouveler mais surtout à encourager.
C’est à la suite de la représentation Andalousi’elle que Mme ZahiaBenzengli nous a remis son interview. Cette nouvelle étoile sur la scène andalouse semble rayonner malgré sa naissance tardive, et transmet espoir et motivation à son public à travers son parcours :
- Tout d’abord, peut-on avoir un rappel de votre carrière ? Quel a été votre parcours jusqu’à aujourd’hui ?
- J’ai commencé à pratiquer la musique tardivement en 2006 au sein de l’association El Djazira, ce qui m’a permis de participer aux différentes prestations à l’échelle nationale et internationale jusqu’en 2012, où j’ai quitté l’association et la musique en général. Le besoin de renouer avec la musique m’a incité à enregistrer quelques pièces du patrimoine avec mes enfants à la maison, loin du mouvement associatif. L’année 2016 a été marquée par l’enregistrement et la sortie de mon premier album « Florilège andalou » aux éditions Padidou, enregistré au studio Crescendo.
- D’où est née cette passion pour la musique ? Qu’est-ce qui a fait émerger votre talent ?
- Cette passion était en moi dès mon plus jeune âge et j’aurais voulu avoir la possibilité de la pratiquer bien avant. Cela ne pouvait pas se faire, donc le rêve s’est concrétisé à l’âge adulte en accompagnant mes enfants à leurs cours au conservatoire et à l’association où je me suis retrouvée directement impliquée dans l’apprentissage.
- Il semble que vous vous soyez tardivement engagée sur cette voie ? Quelle en est la raison ? Est-ce une ambition que vous aviez plutôt et qui a mis du temps à mûrir ?
- En effet, la raison est que mes parents ont refusé par peur que cela me déroute de mes études qui étaient une priorité pour eux.
- Avez-vous des modèles en la matière ? Des artistes qui sont pour vous une référence et une source d’inspiration ?
- Evidemment, ils sont nombreux, notamment tous les maîtres de la musique andalouse et bien sûr la gente féminine à l’instar de Chikha Tetma, Fadila Dziria, Meriem Fekkey, qui étaient très écoutées à la maison par ma mère et ma grand-mère. Sans oublier, madame Beihdja Rahal avec son riche répertoire dans la nouba.
- Quels sont vos futurs projets ?
- Je commencerai d’abord par la promotion de mon album pour passer ensuite à un deuxième enregistrement, tout en continuant à animer d’autres concerts.
- Parlez-nous de Florilège andalou : d’où vient le titre ? Comment s’est déroulée la réalisation de l’album ?
- Le titre est en rapport au contenu qui est une sélection de pièces du patrimoine que j’adorais et que je tenais à reprendre. Quant à la réalisation, elle s’est faite en collaboration avec mes enfants et d’autres jeunes talentueux musiciens. On a voulu que ce soit un voyage à travers la musique andalouse et ses dérivés commençant par une nouba passant par des hawzi et Aâroubis pour finir avec une variété arrangée par mon fils Ahmed Kareb.
- Vos enfants vous ont été d’une aide précieuse dans la confection de cet album. Ont-ils comme vous des ambitions de carrière dans le domaine musical ?
- En effet, ils sont ambitieux et bien sûr ils ont bien évolué dans ce domaine et dans d’autres styles, où ils peuvent se permettre de s’exprimer, de créer selon leur sensibilité et ils comptent bien aller plus loin.
- Votre album porte autant d’authenticité que de modernité, entendez-vous moderniser davantage la musique andalouse à l’avenir ?
- Non, je ne compte pas moderniser la musique. Je préfère la garder comme elle est avec son authenticité, son âme telle qu’elle a été transmise par nos maîtres. Par contre, je suis aussi pour la créativité et aux nouvelles sonorités qui permettent d’attirer une nouvelle audience là où c’est possible.
- Un lien de parenté avec Ahmed Benzengli dit « Bentriki » ?
- C’est mon mari, l’arrière-petit-fils de cheikh Ahmed Bentriki, le poète tlemcenien. D’ailleurs, dans mes prochains enregistrements, je compte bien reprendre l’une de ses œuvres.
- Vos origines kabyles ne vous ont-elles jamais poussée à envisager d’aller vers ce style musical ?
- Oh que si ! J’ai toujours été captivée par les interprétations des grands chanteurs kabyles. Ça reste un enrichissement et peut-être qu’un jour, on reprendra un titre célèbre, il y en a beaucoup.
- Vous êtes également enseignante en anglais, comment arrivez-vous à concilier ces deux domaines si différents ?
- Tout à fait, tout est question d’organisation. J’essaie donc d’équilibrer cette passion, mon travail qui est ma vocation et mes obligations familiales.
- Comptez-vous exporter votre album ?
- Ce n’est pas évident de l’exporter, toutefois il est toujours possible de le faire écouter à travers les réseaux sociaux et YouTube qui permettent ce genre de partages.
- Plusieurs genres s’entendent dans vos œuvres et certaines d’entre elles tiennent leurs paroles de grands poètes du patrimoine andalou, toutefois vous êtes l’auteur de deux titres de votre album. Qu’est-ce qui vous a inspirée ?
- Oui j’ai écrit deux petits textes simples et c’est une première expérience pour moi dans un moment d’inspiration que je n’ai pas laissé passer sans l’exploiter. Peut-être que ça sera suivi par d’autres.
- Prévoyez-vous une tournée pour marquer la sortie de votre album ?
- Non, pas pour l’instant, mais il y a déjà un concert de promotion prévu pour le 17 Novembre 2016 à la salle Ibn Zaydoune à Riadh El Feth.
- Vous avez toute l’étoffe d’une gardienne du patrimoine andalou, comment le préserver et le promouvoir selon vous ?
- Je tiens à préserver ce patrimoine et le présenter tel qu’il est, tout différent des autres styles. La meilleure façon de le préserver et le promouvoir est de l’interpréter de la meilleure des manières, que ça soit pour le chant, l’exécution musicale, la tenue sur scène et l’habit traditionnel. Il faut également le faire connaître ici en Algérie et à l’étranger.
- Vous êtes porteuse d’un immense espoir par vos accomplissements, un message à nos lecteurs pour terminer ?
- Je compte bien continuer sur cette voie, me perfectionner avec le travail nécessaire et le transmettre aussi aux jeunes qui m’entourent par la nature de mon travail. Je finis par conseiller les adultes qui n’ont pas eu la chance de pratiquer quelque chose qu’ils aimaient à leur jeune âge en leur disant qu’il n’est jamais tard pour bien faire s’il y a de la bonne volonté.
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