Qui est passé à côté du phénomène “Le Seigneur des Anneaux” ? Rares seront les spécimens à lever la main, et pour cause : Livres et adaptations cinématographiques ont suscité un engouement planétaire, surtout après la trilogie épique réalisée par Peter Jackson, qui a su attirer l’attention de tous sur la Terre du Milieu. C’est dans ce climat très favorable que l’histoire précédant celle de Frodo Baggins (The Hobbit) a été remise sur le devant de la scène, d’abord à travers des rééditions libraires, puis sur le grand écran, toujours de la main de maître de P. Jackson.
Ici, nous nous intéresserons au roman fantastique original de John Ronald Reuel Tolkien, initialement paru en 1937 à Londres, aux éditions George Allen & Unwin dans la catégorie lectures pour enfants. On verra très vite que si les liens avec sa suite (The Lord of The Ring) sont aussi nombreux qu’évidents, l’auteur avait pris une tout autre tournure pour son premier ouvrage, loin de la maturité ténébreuse qui nous servira par la suite.
Bilbo, fils de Bungo Baggins et de Belladone Took
The Hobbit (ou Bilbo The Hobbit selon les éditions) est donc le premier récit publié par J.R.R Tolkien. Dans son coin, l’homme travaillait depuis quelques années sur l’univers de la Terre du milieu et sa géographie, et The Hobbit a été le premier à en faire usage officiellement. Pour autant, aucune suite scénaristique n’était prévue à ce moment-là, le livre se suffisait entièrement à lui-même.
Ce dernier point évoqué est d’une importance cruciale pour la suite de cette critique, car il expliquera la plupart des points déceptifs qu’on pourrait lui reprocher. De ce fait, il est primordial de garder à l’esprit que The Hobbit était à l’origine un conte fantastique unique; qui s’inspire de mythes et de contes de fée, à destinations des plus jeunes. Une fois intégrée cette information, on pourra parler de l’œuvre en elle-même, en toute connaissance de cause.
“Dans un trou, vivait un hobbit”
Telle est la première phrase écrite pour ce conte fantastique, et ainsi a-t-elle demeuré jusqu’au bout, ouvrant le premier chapitre des dix-neuf que compte le livre. L’auteur nous raconte l’histoire de Bilbo Baggins, un hobbit (une race d’humain de petite taille) qui vit paisiblement dans son trou (ainsi se nomme son habitation) sous la Colline, région de l’ouest du monde des terres sauvages.
Si un Hobbit est de nature pas très aventureuse, une conjoncture inattendue poussera Bilbo à aller au-delà de ses limites pré-supposées, s’embarquant dans une chasse au trésor périlleuse, en compagnie de treize nains gaillards et d’un sage magicien, Gandalf. Malgré sa réticence première toute compréhensible au gré de ce qu’il est, il finit par adhérer au périple qui conduira la troupe à traverser divers dangers, constitués de trolls, de vils gobelins, de wargs, de créatures des ténèbres, et surtout, le point culminant du récit, de Smaug, le reluisant et féroce dragon qui garde le précieux trésor dans son antre, autrefois palais des nains justement.
Vous savez maintenant quel sera le fil rouge de l’histoire. Une quête qui vise à reconquérir à la fois le trésor et le palais qui revient aux nains par descendance, Bilbo étant uniquement recruté sous les conseils de Gandalf, pour ses qualités insoupçonnées de cambrioleurs hors-pair. Je n’en dirai pas davantage sur l’histoire, au risque de trop en dévoiler et de gâcher votre curiosité.
Ce n’est pas toujours bon de comparer les enfants entre eux
L’appréciation du bouquin se fera selon deux catégories de personnes. Ceux qui auront lu ou vu la trilogie “Le Seigneur des Anneaux” avant, et ceux qui auront lu The Hobbit vierge de toute autre connaissance de la terre du milieu. Le premier groupe doit tout de suite être prévenu, car il pourrait très vite mal aimer le conte pour ce qu’il n’est pas, ce qui serait dommage.
The Hobbit n’est pas du calibre de la trilogie de l’anneau. The Hobbit n’est pas aussi noir. The Hobbit n’est pas aussi mature. The Hobbit n’est pas aussi riche. The Hobbit n’est pas aussi viscéral. Mais ce ne sont pas des défauts pour autant, car rappelons déjà le public visé par le livre (composé d’enfants, voire d’adolescents), et surtout, qu’il précède “Le Seigneur des Anneaux”. En ce sens, la comparaison ne doit pas être faite crûment puisque anachronique, et clairement désavantageuse. Près de 35 années séparent les deux histoires.
Une épopée vaillante pas trop méchante
On ne s’étonnera donc pas d’une note de niaiserie durant l’aventure, de l’absence de drames irréversibles, des enjeux qui n’ont que peu d’envergure et de relief, ou encore de la nature parfois très sotte et très “Disney dans l’esprit” de certains méchants. Non, nous ne le blâmerons pas pour ça car il ne s’adresse pas à des adultes, mais à des enfants assoiffés de contes fantastiques, où les animaux sont dotés de langages, où les troll se concertent à voix haute et où les aigles tiennent des discours d’une sagacité inouïe. Et dans ce rayon, The Hobbit est remarquable.
Mais il serait dommageable et réducteur de n’en tenir compte que pour ses qualités, il n’y a pas que les enfants qui y trouveront du plaisir à le lire. Tandis que la première moitié du livre est assez molle de rythme et d’événements, la seconde elle, nous montre un tout autre visage. On gagne en perspective, en décors, en enjeux, en personnages et psychologie, car la troupe de Bilbo (surtout lui et Thorîn, le chef nain) évoluent au fil des occurrences. Bilbo Baggins n’est plus le même hobbit au terme du récit qu’à ses débuts, et non seulement c’est appréciable, mais également très bien amené. On se plait vraiment à constater la mue des principaux protagonistes, pour aboutir en bout de course à l’affrontement ultime, qui sans révolutionner le schmilblick, assure son lot d’action, de suspens et d’impact.
Il est à noter qu’ici, l’anneau ne tient pas la place qu’il occupait dans “Le Seigneur des Anneaux”, la vedette étant volé par Bilbo, ce qui est normal au vu du titre. Toujours dans la relation à “LotR”, Gandalf est toujours aussi sage et salutaire, même si là aussi, il est plus en retrait. Même chose pour Gollum qui n’apparaît que durant un court passage, mais qui relance grandement l’intérêt de la lecture. Enfin, seul Elrond apparaît dans la catégorie second personnages marquants de LotR, présent également dans “The Hobbit”.
Conclusion : Face, je gagne. Pile tu perds
Les deux façons de prendre se livre et de le lire me pousse à dresser deux bilans, ou plutôt deux verdicts. À ceux qui espèrent y retrouver la richesse, la maturité et la profondeur de la saga “Le Seigneur des Anneaux”, vous en sortirez frustrés voire quelque peu déçus. À ceux par contre qui sont curieux de connaitre l’histoire initiatrice, sans autres préjugés ni grandes attentes, soyez patients le temps de la première moitié, et dévorer la seconde à pleines dents. Les gagnants en fin de compte seront évidemment les enfants, à qui le livre plaira sans nul doute, d’autant que le français utilisé est très élégant et enrichissant.
À mettre sur leur chevet le plus tôt possible.
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