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Critique littéraire : Une place à prendre – J.K. Rowling

Après Harry Potter, J.K. Rowling s’ouvre à des horizons inédits dans son ouvrage Une place à prendre (titre original : The casual vacancy). Plus qu’une nouvelle histoire, c’est carrément un autre auteur qu’on découvre, un nouveau style qu’on ne lui connaissait pas. A-t-elle réussi son tour de passe-passe ? Réponse dans cette critique.

J.K.-Rowling- Place à prendre

Harry Potter ? Tabula Rasa !

6.11 Une Vacance fortuite est officiellement constatée : (a) quand un élu local manque à son obligation de notifier son acceptation de mandat dans les délais impartis ; ou (b) à réception de son avis de démission ; ou (c) le jour de son décès…  Charles Arnold-Baker, Administration des conseils locaux, 7 e édition.”

80766177_oC’est avec cette consigne administrative que débute le roman, une manière indirecte de justifier les premiers événements du livre que le lecteur ignore encore. L’emprunt de cette consigne réellement existante est le premier signe du revirement stylistique de l’auteur. On a connu J.K.R dans un style fantastique avec l’univers magique d’Harry Potter. Nous voilà avec entre les mains une œuvre dénuée de toute fantaisie, aux antipodes des aventures du sorcier à lunettes.

“Place à prendre” est un sacré coup à prendre pour les habitués de l’auteur. Poudlard laisse place à un village sans cesse arrosé par une réalité sociale acerbe. L’univers bon-enfant toujours politiquement correct est ici transgressé, mu en un cynisme sans raffinement à toute épreuve.

L’histoire : J.K. Rowling et le village des secrets

L’intrigue prend place dans un village du sud anglais nommé Pagford. Une bourgade typique où tout le monde se connait puisque les habitants occupent les lieux de père en fils pour la grande majorité. Cette affiliation leur confère un certain esprit conservateur, surtout chez les représentants du village, comme le président du conseil paroissial Howard Mollisson.

Cet esprit-là, c’est la proximité d’une cité nouvellement construite qui vient l’attiser, surtout que selon certains villageois, la cité-des-champs est un nid à débauche, un concentré de délinquants et de rébus de la société en tout genre qui vient polluer l’éducation et le paysage des enfants du village.

Du coup, il faut penser à s’en débarrasser et le seul moyen trouvé est de faire en sorte que la cité dépende de la grande ville mitoyenne Yarvill, et plus de Pagford. Ainsi, les habitants de la cité ne seront plus associés à l’administration du village, mais de Yarvill, délocalisant toutes leurs activités vers elle, et plus Pagford.

Pagford
Pagford
Source image : nydailynews.com

C’est sur ce point précis que la rupture opère. Pour arriver à ses fins, Howard Mollisson doit être réélu à son poste de président du conseil paroissial du village, sinon quoi, son opposant Barry Fairbrother, qui est pour l’assimilation de la cité à Pagford, gagnera et liera les deux lieux pour un bon bout de temps, contrariant une grande partie du village.

C’est dans cette bataille politique locale qu’un malheur arrive, [spoiler]la mort soudaine et naturelle de Barry Fairbrother[/spoiler]. Et comme le dit le dicton, le malheur des uns fait le bonheur des autres, mais il ne faut pas trop l’exhiber au risque de mal paraître. Le processus de succession se met alors en place et c’est là que le rôle de tous les citoyens intervient.

Les Personnages : un éventail riche et particulièrement attachant

“Une place à prendre” met en scène une galerie de personnages très intéressante. Mieux, toute la force du roman réside dans le poids de ses personnages. Au début, retenir la vingtaine de noms est un peu ardu et on s’embrouille très facilement. Mais au fil de la lecture, chacun d’eux est tout de suite identifiable, que ce soit via son caractère, ses répliques ou ses ambitions personnelles.

Point de personnage principal ici. Tous ont peu ou prou la même importance, le même impact sur l’histoire et la vie du village. Tour à tour ils sont mis en avant pour faire avancer le propos, au moyen d’une narration éclatée qui saute de chapitre en changeant de protagoniste suivi.

L’attrait que constituent les citoyens de Pagford, ou de la cité-des-champs, revient essentiellement aux problèmes qu’ils rencontrent. Là aussi, il ne s’agit pas de sauver le monde, ni de se battre pour une cause humanitaire. Chacun est à la recherche de son petit bonheur à lui, d’une satisfaction personnelle, qu’elle soit professionnelle ou familiale.

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De ce fait, une proximité s’installe entre le lecteur et l’univers dépeint par J.K.R et leur rencontre de problèmes qu’on pourrait soi-même avoir connu ne fait qu’accentuer ce sentiment. L’histoire aurait été prise de faits réels que ça n’aurait rien changé à la teneur du récit. C’est dire à quel point l’histoire racontée est dénuée de tout artifice. Et ce n’est pas les passages cyniques, cruels ou drôles qui changeront la donne.

Il est vrai que les événements relatés peuvent être usuels, mais leur enchaînement maîtrisé vous ôte tout sentiment de redondance. Mis à part un début assez laborieux le temps de planter le décor et de présenter tout le monde, le bouquin ne redescend plus de l’envol qu’il aura alors pris. Le style littéraire quant à lui est simple d’accès, aussi directe et sans maquillage que l’est le roman.

Une fois plongé de l’univers, vous vous sentez impliqué dans le village, vous vous sentez citoyen (muet) de Pagford. Jusqu’à l’épilogue qui gratifie d’une conclusion chaque petite histoire de tous les personnages qu’on aura suivi au travers 680 pages (grand format). Inutile de préciser qu’à ce moment, la séparation avec chacun d’eux est assez poignante tant on aura pris l’habitude de les voir évoluer.

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La conclusion : Vaut-il le coup d’être lu ?

Vous l’aurez compris, on a bien apprécié l’incartade de J.K Rowling, au point d’attendre de pied ferme la traduction française en novembre de son nouveau roman l’Appel du Coucou, sorti en avril dernier dans sa version anglaise sous le pseudonyme Robert Galbraith.

L’histoire est loin d’être aussi épique que la saga magique. Le livre ne possède aucun moment où tout s’emballe, se bouscule et nous fait rentrer dans une spirale haletante. Et pour cause, ce n’est pas un thriller, et ce n’est pas une aventure fantasmagorique. “Une place à prendre” est un livre qui raconte les péripéties que vous pourriez vous-même vivre, que vous soyez jeune ou moins jeune.

Il perd en fantaisie ce qu’il gagne en humanité. Il perd en grandiloquence ce qu’il gagne en sincérité. Et c’est pour cela qu’on aime ce livre et c’est aussi cela qu’on retiendra. Une sincérité qui va chercher les pulsions élémentaires de toute personne, qui leur donne libre cours à travers une histoire aussi intime que fédératrice.

Écrit par vinyculture

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