Ce serait vraiment indécent de se remémorer ce cinquantenaire d’indépendance, sans avoir une pensée profonde pour un homme qui avait pris l’Algérie pour Amour et s’est rallié à la résistance algérienne pour combattre avec ses mots à défaut d’armes au côté de ce qu’il considérait comme son peuple.
Un homme qui est arrivé à dire ceci : «Ils me tueront ou bien ils me feront assassiner. Mais je ne quitterai jamais en lâche ce pays où j’ai tant donné de moi-même. Ils feront de moi un nouveau Federico Garcia Lorca».
Jean Sénac, algérien de l’âme, poète, écrivain, fervent militant pour la cause nationale, la justice et la promotion d’une culture algérienne, est né en 1926 a Béni Saf de père inconnu, il grandit dans un amour total de l’Algérie et est très proche de son peuple.
Ayant pour grand modèle René Char et Albert Camus, (il considérait ce dernier comme un père jusqu’au froid qui s’installa entre eux après la prise de position de Camus concernant la révolution algérienne), il aimait aussi en Lorca, son rôle et ses mots écorchants au cours de la guerre civile d’Espagne. Sa poésie a, en effet, été fortement inspirée de lui.
Sa revue Soleil (1950) puis Terrasses (1953) ont permis à des écrivains tels que Mammeri, Yacine, Dib, Haddad et d’autres de s’exprimer et de dénoncer le drame algérien. Il publia en 1954, à la veille du déclenchement de la révolution, et sous la direction de Camus, son premier recueil de poèmes nommée « Espoir ».
Il fut membre de la fédération française du FLN et s’assura de la continuité du tirage du journal El Moudjahid. Il disait : «Je suis né algérien ! Il m’a fallu tourner en tout sens dans les siècles pour devenir algérien et ne plus avoir de comptes à rendre à ceux qui me parlent d’autres cieux. (…) O folie ! Je dis que je suis algérien et ils me rient au nez…».
En même temps il continua d’écrire, en 1957, il publia « le Soleil sous les armes » en hommage à la résistance algérienne puis en 61, « la matinale de mon peuple ». Il revint en Algérie en 1962 après l’indépendance, parce qu’il ne se voyait pas vivre ailleurs et fut le conseiller du ministre de l’Education Nationale. Il participa également à l’éclosion d’une esthétique algérienne et fonda l’union des écrivains algériens dont il s’occupa entre 63 et 66. Il participa également à la reconstitution de la Bibliothèque Nationale Algérienne.
Il organisa également la première exposition de peinture de l’Algérie indépendante en collaboration avec Maisonseul où les travaux d’Issiakhem par exemple ont été dévoilés. Dans le même temps, il produit et anime des émissions de radio consacrée à la poésie : Le poète dans la cité et Poésie sous tous les fronts où s’organisait des lectures poétiques de poètes connus mais également des anonymes qui envoyaient leurs écrits par courrier. L’objectif étant de soutenir l’émergence d’une littérature algérienne.
On ne peut pas parler de Sénac sans nous rappeler l’effort qu’il fit pour la publication de son anthologie de la jeune poésie algérienne en 1971 ou des noms comme Hamid Skif y sont apparus. Puis il connut l’isolement, la désillusion, un reniement de ce qui fait, en ce temps, sa mère patrie. Après la vague de nationalisation et la réappropriation de l’identité nationale par le gouvernement en vigueur. On acceptait que trop mal son influence sur la jeunesse algérienne et les critiques acerbes de cet homme qui rêvait et œuvrait à une Algérie indépendante et libre de ses démons.
Comme il le disait, je resterai l’éternel « gaouri » jusqu’au jour où on le trouva un certain 30 Août 1973 gisant mort dans tout ce qui lui restait de cette Algérie, une « cave vigie » comme il l’appelait, un sous-sol d’immeuble qui lui servait de refuge.
«L’heure est venue pour vous de m’abattre, de tuer
En moi votre propre liberté, de nier Ça n’est plus bien
La fête qui vous obsède. Soleil frappé, des années saccagées
Remontera
MON CORPS».
(Œuvres Poétiques)
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